Une forme de vie, d'Amélie Nothomb
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Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi je m’obstinais à lire chaque année le nouvel opus d’Amélie Nothomb. Devoir de rentrée, espoir de retrouver l’auteur des débuts, à la prose délirante mais (aussi) à l’histoire originale et bien ficelée après le goût d’inachevé, voire la déception marquée, qui me restent de ma lecture de la rentrée passée ? Il y a sûrement un peu de cela. Il y a aussi, peut-être, l’envie de voir jusqu’où peut aller l’auteur dans la mise en scène de son propre personnage, car c’est à mon sens ce qu’elle réussit le mieux.
De ce côté-là, je n’ai pas été déçue. Relatée sous forme épistolaire, l’histoire de sa correspondance avec Melvin Maple, soldat américain basé en Irak depuis le début des « évènements », est assez savoureuse. Melvin, qui a lu l’intégralité de la prolifique œuvre d’Amélie, lui envoie un appel au secours, persuadé qu’elle seule pourra le comprendre. L’ancien maigre, qui s’est enrôlé pour manger, s’est retrouvé en Irak où une nouvelle fois, il a perdu pied et s’est rebellé, affichant à l’envi l’étendard de la rébellion qu’il porte en lui, et qu’il a concrétisé dans une obésité qu’il revendique comme un manifeste. Ce qui apparaît au début comme une forme de jeu, une bizarrerie, devient au fur et à mesure étouffant, embarrassant et tragique. L’auteur, qui croyait tirer avec facilité et non sans cynisme les ficelles de ce correspondant comme elle le fait de ses personnages de fiction, assiste à une situation qui rapidement va dépasser le cadre de sa propre écriture.
L’histoire est loufoque, souvent invraisemblable, ce qui ne m’a pas vraiment gênée dans ma lecture. J’ai aimé la réflexion, plutôt bien menée, sur le thème de l’œuvre qui échappe à l’artiste, tant pour celui qui est en train de la créer que pour celui qui cherche à s’en saisir. J’ai également aimé les passages qui décrivent la relation épistolaire qu’entretient Amélie Nothomb avec ses correspondants, qui l’investissent d’un tas de pouvoirs et vertus, et chaque jour l’étonnent davantage.
Un assez bon cru en somme, surtout si on le compare aux inepties auxquelles Nothomb nous avait habitués ces dernières années.
Editions Albin Michel, août 2010