Room, de Emma Donoghue

Publié le par Caroline

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nullJe me suis lancée dans ce roman sans vraiment savoir à quoi m'attendre. Assez déçue par Du Domaine des murmures, de Carole Martinez, je m'étais laissé dire que ce roman me réconcilierait avec le traitement par la fiction du thème de l'enfermement...

Et j'ai vraiment bien fait ! Dès les premières pages, j'ai été saisie, happée, retournée par l'édifiante histoire d'une jeune mère et de son fils, Jack, 5 ans, qui, séquestrés par un détraqué dans une chambre de quelques mètres carrés, vivent dans un monde à part qui est le leur, celui de "la Chambre".

Sentiment d'étouffement, de malaise, de douleur : je me suis demandé d'entrée de jeu si j'arriverais à poursuivre une telle lecture... La première partie est insoutenable, surtout pour le lecteur qui ne sait pas dans quelle histoire il s'engage ! Fort heureusement, l'action évolue rapidement (je n'en dirai pas plus pour ne pas dévoiler les ressorts de l'intrigue...) et la deuxième partie du roman ouvre vers une réflexion passionnante sur notre perception de l'altérité et la force de l'amour et de la vie, qui jaillissent au plus profond des détresses humaines.

L'histoire est narrée par Jack, avec le point de vue très particulier de cet enfant sur ce monde qui constitue à la fois sa propre référence et son horizon, qu'il maîtrise mais interroge, qui pour lui va de soi, bien entendu, mais qu'il cherche en même temps à explorer, voire à dépasser, en questionnant sans cesse sa maman. Mais quand ce monde sera remis en cause, c'est à l'effondrement de tout son sytème de représentation qu'il devra faire face.

Ce point de vue fait tout le sel du récit, qui devient dès lors une fable vraiment réussie sur notre représentation du monde, la réalité des choses et leur dépassement par la fiction. Un ressort d'écriture salutaire aussi pour le lecteur, en ce qu'il permet d'éviter toute forme de pathos ou de voyeurisme. On a bien là affaire à un roman, porté par une écriture qui fait mouche, autour du langage enfantin et imagé de Jack, et qui fait la part belle aux sentiments, qui sont le vrai fil conducteur de ce récit: forts mais ambivalents, évidents mais aussi questionnés, ils démontrent que rien n'est jamais aussi simple que les autres, ceux qui nous entourent, peuvent le croire.

Comment réagit-on quand tout notre univers s'écroule ? Quel est notre horizon de pensée ? Où s'arrête le monde, notre monde, celui des autres ? Comment réagir face à l'impensable ? Quelle figure le Mal peut-il venir habiter ? Comment faire confiance quand on a connu l'écroulement de toutes ses certitudes ? Comment vivre, comment croire en une humanité centrée sur l'individu ? Nos convictions sont-elles vraiment les nôtres, ou celles que l'on nous impose ? Toutes ces questions, soulevées par l'auteur avec finesse  et beaucoup de luminosité - contrairement à ma première appréhension - se font écho dans ces pages magnifiques, dont je ne suis pas ressortie indemne ! Plusieurs jours après avoir refermé ce livre, des images me reviennent souvent, et ces interrogations continuent de prendre forme dans mon esprit...

Traduit de l'anglais (Canada) aux éditions Stock, 2011.

Publié dans Aimés passionément !

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A
Il m'attend aussi dans ma PAL, je vais essayer de l'en faire sortir assez rapidement. Je ne pense pas qu'Enola Game soit de la même veine, même s'il s'agit d'enfermement, le contexte est très<br /> différent.
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C
<br /> <br /> Oui, en effet... En tout cas, je suis aussi tentée par Enola Game !<br /> <br /> <br /> <br />
I
Il est dans ma PAL, il m'attend sagement
Répondre
C
<br /> <br /> Je ne peux que te conseiller de l'en sortir rapidement !!<br /> <br /> <br /> <br />