Les vies extraordinaires d'Eugène, d'Isabelle Monnin

Publié le par delivresetdeaufraiche

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Eugène est né à 6 mois de grossesse. Eugène a vécu. Eugène est parti, quelques jours après sa naissance, victime d’une infection nosocomiale. Ses parents souffrent et se demandent : pourquoi ?

C’est là toute l’intrigue de ce beau roman, que nous livre Isabelle Monnin, journaliste au Nouvel Observateur.

Confrontée à cet inacceptable, la mère d’Eugène se mure dans la douleur. Elle se barricade dans un silence dont elle ne sortira plus et tente d’exorciser sa douleur en cousant des petits pantalons, un pour chaque année qu’aurait dû vivre son fils, pour bientôt ne plus s’arrêter. Son père se met à préparer le marathon de New York : le mouvement doit poursuivre sa course et le monde continuer à tourner même si, il le sait, il ne sera plus jamais le même. Car si Eugène a vécu, a-t-il pour autant existé ?

C’est en se posant cette question bouleversante que le narrateur, historien de son état, va cheminer vers l’écriture de la vie de son fils. Il se met à rencontrer tous ceux qui l’ont connu et qui, chacun, lui révèlent un morceau, un petit bout de son fils disparu. Mais ces quelques jours de vie ont été courts, tellement courts, qu’il est vite confronté à l’échec de son projet, car ce « tout » et ce « rien » que sont à la fois sa vie sont si vite écrits…

Il imagine alors d’écrire la vie de son fils telle qu’elle aurait été, ou aurait pu être. Un projet beau et dérangeant à la fois, qui le relie à sa propre filiation. Les souvenirs de son enfance qui lui reviennent sont salutaires, car ce sont des petites perles d’humour grinçant, qui en plus d’étayer intelligemment le propos du narrateur, nous permettent, à nous lecteurs, de reprendre un peu notre souffle dans cet océan de tristesse…

J’ai beaucoup aimé ce roman, intelligent, bien construit, et surtout, vous l’aurez compris, émotionnellement très dense. Le grand talent d’Isabelle Monnin est de ne jamais verser dans le pathos. Aucun apitoiement dans ces pages, aucun cynisme non plus. Le tout est très maîtrisé et ces personnages sont d’une épaisseur peu commune. J’ai aimé qu’un roman parvienne de manière aussi réussie à lever le voile sur cette réalité pleine de non-dits qu’habituellement, personne ne veut voir.

Seulement, et du fait sûrement de toutes ces qualités, ce livre est d’une immense tristesse...

Même s’il est très beau et s’il m’a particulièrement touchée, même s’il parvient malgré la gravité de son sujet à être lumineux (je pense notamment à la très belle lettre de la maman à son fils), j’ai été si secouée en le lisant que je ne peux que le gratifier de ©©, une décision irrationnelle certes, mais qui reflète la douleur que j’ai éprouvé en le lisant.

 

 

Editions J.C. Lattès, août 2010

Publié dans Bien aimés...

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I
<br /> Une lecture pas facile mais j'ai beaucoup aimé la plume d'Isabelle MONNIN. Elle a réussi là un beau tour de force avec ce livre.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> J'ai aussi beaucoup aimé son écriture. Elle parvient à faire de ce roman une oeuvre très sensible, tout en campant parfaitement le personnage de la mère, très détaché... Un belle prouesse<br /> littéraire, je trouve !<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> j'avais beaucoup aimé ce livre : poignant, touchant, pas larmoyant.<br /> touchée à tous les sens du terme<br /> <br /> <br />
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F
<br /> je vais bientôt le recevoir en livre voyageur...<br /> et j'en suis très contente à la lecture de ton billet.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> j'ai moi aussi beaucoup aimé ce roman : touchant, émouvant mais jamais larmoyant ! Une très belle découverte !<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Je l'ai beaucoup vu sur les blogs, mais il me tente moyennement...<br /> <br /> <br />
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