Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows
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Tout le battage qui avait été fait autour de ce livre dès sa sortie et pendant longtemps encore après m’en avait éloignée… La mort de l’auteur juste avant la publication du livre, la fin écrite par sa nièce, la caracolade dudit roman en tête des ventes pendant plusieurs semaines, bref… tout cela me semblait « trop », et avait bien refroidi mes envies de lecture dudit roman. Je fuis généralement ces « livres dont tout le monde parle »… même si la plupart du temps, je finis par les lire… bien après tout le monde, bien entendu !
En le voyant à la bibliothèque la semaine dernière, je me suis dit qu’après tout, pourquoi ne pas le lire pour essayer de comprendre si cet engouement massif était justifié ? Peut-être allais-je passer à côté d’une pépite ? N’y croyant pas vraiment, j’ai donc quand même tenté l’aventure.
A la lecture des premières pages et au vu du style épistolaire, que pourtant j’aime beaucoup, j’ai pris un peu peur… 1946. Juliet, jeune célibataire londonienne en quête d’inspiration, journaliste et écrivain, échange une correspondance assidue avec son éditeur devenu son ami et avec la sœur de celui-ci, Sophie, son amie d’enfance. Après une tournée en Angleterre pour la sortie de son recueil d’articles humoristiques sur la guerre, elle cherche l’inspiration et manque d’idées pour rédiger un nouvel ouvrage… Une correspondance démarre inopinément avec un inconnu domicilié à Guernesey, en quête de renseignements sur le poète Charles Lamb, dont il est tombé amoureux à la lecture d’un recueil qui avait précédemment appartenu à Juliet… Tout cela m’a semblé de prime abord légèrement tiré par les cheveux, et j’ai craint une suite quelque peu mièvre.
Mais après quelques pages à peine, j’ai accroché à ce roman, me laissant emporter par cette correspondance piquante et pleine de rebondissements. L’action se met rapidement en place, autour de l’introduction, un à un, de chacun des membres de ce mystérieux « cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates », créé par des habitants de Guernesey cherchant à dissimuler à l’occupant allemand un festin interdit… Chacun d’entre eux va se mettre à correspondre avec Juliet, qui ne résiste finalement pas à la tentation de se rendre sur l’île, tenant avec ce cercle littéraire le fil de son nouvel ouvrage. Elle va tisser avec eux des liens bien plus profonds qu’elle ne l’avait imaginé…
Finalement, je ne me suis pas ennuyée une seul seconde. La construction du roman est très réussie. La forme épistolaire construit le récit par petites touches autour de points de vue différents, ce qui pimente efficacement l’intrigue et la nappe d’une sauce bien relevée !
Loin d’être mièvre, le roman, qui nous offre une plongée au cœur de la vie insulaire de l’immédiate après-guerre est parfois un tantinet convenu (comme avec l’histoire d’amour de Juliet, dont on pressent bien vite la façon dont elle va se terminer) mais globalement inattendu, jouant sur différents tableaux : satire sociale, drame, émotion, le tout mâtiné d’une touche d’humour anglais assez irrésistible.
Les personnages ont une vraie épaisseur, et c’est un bonheur que de découvrir en même temps que Juliet comment les différents membres de ce cercle littéraire créé un peu par hasard ont fait de la lecture le pivot de leur relation au monde.
Un très joli roman plein de charme, que j’ai dégusté comme un thé anglais délicatement parfumé (à la petite cuillère, of course…) !
Nil éditions, avril 2009