L'Hypnotiseur, de Lars Kepler
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Pour être franche, j’ai attaqué ce polar-pavé car l’objet livre me plaisait : noir et rouge, lourd, bien volumineux, avec une couverture joliment illustrée et de belles pages crème à la typographie agréable… Je trouve la collection « Actes Noirs » particulièrement réussie sur ce plan.
Sur le plan littéraire, c’est une tout autre histoire (en tout cas pour cet Hypnotiseur, car je ne compte pas pour autant baisser les bras !)
Mon expérience des polars à la sauce suédoise se limitant à Mankell (non, Millenium n'est pas passé par moi), j’ai ouvert ce livre l’esprit relativement dégagé, n’ayant pas d’idée préconçue… et j’ai pour le moins été déçue.
Cette histoire d’une famille sauvagement assassinée par le fils, dont on découvre d’entrée de jeu qu’il est le coupable, se veut différente : ce n’est pas tant le détective, le falot Joona, qui est au centre de l’enquête qu’Erik, médecin hypnotiseur à la retraite appelé en renfort pour extorquer au meurtrier des précisions, si ce n’est des aveux. L’intrigue va se déplacer vers l’hypnotiseur, donc, et sa famille, car son fils est enlevé une nuit et le lien ne manque évidemment pas de se faire entre les deux affaires…
J’ai trouvé cette construction superficielle et peu fluide. Le fait que le meurtre familial soit quasiment « réglé » dans les premières pages, puis que l’enquête se réduise à une course-poursuite améliorée m’a complètement refroidie.
Ce roman reste un page turner assez efficace. Mais les personnages manquent de profondeur et restent croqués à (très) grands traits. L’intrigue se focalise sur l’hypnotiseur, et délaisse les autres personnages. Même l’hypnotiseur, pourtant notre héros, est peu creusé : tout ce que l’on sait est qu’il est perdu, mal dans son couple, sa vie et ses baskets, et qu’il est tourmenté par un passé qui le rattrape… Légèrement cliché. Quant à Joona, c’est pire encore, on ne sait rien de lui, à part qu’il est déterminé et un peu sensible : un personnage d’inspecteur totalement caricatural et sans aucun relief.
Serait-ce volontaire (les auteurs - sous le pseudonyme de Lars Kepler se cache un couple d'écrivains, mariés dans la vie - ont déjà écrit une suite, parue en Suède, et comptent sur de prochains épisodes pour approfondir ces bases négligemment jetées) ? Ce qui est sûr, c’est que le roman en pâtit.
Quant à l’intrigue (c’est quand même le cœur d’un polar, non ?), si elle est assez prenante dans sa première partie, l’histoire de l’enlèvement et plus encore le retour vers le passé de l’hypnotiseur finissement par lui ôter le peu d’intérêt qu’elle avait suscité d’emblée, se perdant dans diverses directions, pas toutes très bien assumées.
Sans compter le dénouement, en tout point prévisible et particulièrement plat.
Ce n’est définitivement pas une réussite, donc, même si le tout se lit sans déplaisir. Et au final, on est loin, très loin de ma référence en la matière que constitue Mankell...
Mon avis rejoint tout à fait celui de Dominique, "pas franchement convaincue", pour qui les éditeurs surfent sur la vague de Millenium, pensant que les lecteurs se feront peut-être berner... Emeraude et Cunéipage sont partagées, Valérie a aimé et a trouvé l'ambiance dépaysante, Tamara a estimé que ce polar était une réussite, et Canel s'est passionnée pour ce roman.
Editions Actes Sud, collection Actes Noirs, septembre 2010.
Et hop, +1 pour le challenge "voisins, voisines" !