Dans le café de la jeunesse perdue, de Patrick Modiano
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"Je me retourne, mais il n'y a personne. Pas seulement le soir, mais au creux de ces après-midi d'été où vous ne savez plus très bien en quelle année vous êtes".
Premier Modiano et vraie émotion. La découverte d'un style épuré, elliptique, faisant la part belle à l'émotion qui affleure chez des personnages attachants, bien qu'esquissés à la manière d'un dessin léger au crayon. Un style un peu flou, vaporeux, mais pourtant précis car chaque mot a un sens et que rien n'est ici de trop.
Pas vraiment d'histoire au-delà de l'évocation du temps perdu, des idéaux déçus et des amitiés qui font vivre puis s'étiolent inexorablement, sans même que l'on se rende compte.
Autour du Condé, ce café du quartier de l'Odéon qui accueille en son sein des personnages un peu paumés, jeunes et moins jeunes en quête de sens et d'une densité de relations qui ne se paie pas de mots, Modiano nous donne à lire la même histoire, celle de Louki, jeune fille dont chacun des personnages ne sait pas grand chose hormis une vraie fascination pour cette féminité évanescente et mystérieuse. Figure d'une jeunesse en attente, qui écoute, regarde, essaie de saisir le monde et les autres sans y parvenir, elle finira par se brûler les ailes.
Alors que rien ne se passe vraiment, je ne me suis jamais ennuyée: le style fait son oeuvre et colle merveilleusement à cette narration, bien menée, qui avec l'alternance des points de vue des habitués du Condé, m'a maintenue en haleine, preque à la manière d'un polar. Moi aussi, je me suis demandée qui était Louki, pourquoi elle s'était retrouvée dans ce café, pourquoi sa trajectoire avait croisé celle des autres et vers où elle irait.
Une belle balade dans le Paris des années soixante, autour des déceptions d'une jeunesse en quête d'absolu, teintée d'une nostalgie qui ne m'a pas quittée, longtemps après avoir refermé ce livre.
Ed. Gallimard, 2008 et en poche (Folio), 2009